Déployés avec succès dans l’alimentaire, bien qu’en perte de vitesse depuis la crise sanitaire, comme le révèle le dernier Observatoire du Rayon Vrac (Éditions Dauvers), la recharge et le vrac pourraient faire de nombreux adeptes dans les rayons hygiène-beauté. Ce même rapport nous apprend d’ailleurs que les consommateurs français sont clairement demandeurs, avec pas moins de 52% des foyers qui aimeraient accéder à plus de produits en vrac dans leurs magasins. Une envie qui concerne tout particulièrement l’épicerie (69%), et l’entretien (53%), mais aussi l’hygiène et la beauté, à hauteur de 41%. La demande est donc bel et bien présente, justifiant un déploiement à plus grande échelle.
Dispositifs adaptés à la préservation des produits
Les incertitudes réglementaires concernant la vente de cosmétiques en vrac pourraient être rapidement levées. La France vient en effet de notifier à la Commission européenne un projet de décret « établissant la liste des produits qui ne peuvent pas être vendus en vrac pour des raisons de santé publique ». Selon le texte, les produits cosmétiques pour lesquels un challenge test pour la conservation et des contrôles microbiologiques sur le produit fini sont nécessaires pourront être vendus en vrac, sous réserve que cela se fasse avec un « service assisté » ou en libre-service au moyen d’un « dispositif de distribution adapté », entendez par là, un dispositif permettant de préserver l’intégrité et l’innocuité des produits.
Une préoccupation de sécurité déjà prise en compte par les acteurs du secteur qui avaient déjà ont déjà lancé des initiatives - de plus ou moins grande ampleur - dans ce sens, à l’image de The Body Shop, Mustela, Biotherm, L’Occitane en Provence, Nivea, ou encore Aroma-Zone et Mademoiselle Bio. En parallèle, des fournisseurs - à l’instar de Roval (groupe Anjac Health & Beauty) ou Jean Bouteille - s’efforcent de développer des solutions clefs en mains adaptées à ces nouveaux modes de consommation, notamment aux enjeux de propreté du couple contenant-contenu.
Il faut dire que l’industrie des cosmétiques ne manque pas d’expérience en la matière. « La fontaine à parfum de Mugler existe depuis 20 ans, et les recharges sont largement disponibles pour certains segments de marché comme les produits lavants pour les mains », indique Stéphanie Lumbers, directrice du développement durable à la FEBEA, le syndicat professionnel du secteur cosmétique. Et d’ajouter : « Ce qui est nouveau est donc plutôt l’attention portée à ces questions et leur développement en dehors de certaines niches ».
Pour Hugues Laurençon, directeur général de The Body Shop en France et au Benelux, qui s’est employé à déployer la recharge dans 100% de ses boutiques, il s’agit même d’un retour en arrière. Une tendance globale dans de nombreux secteurs, dont la mode et la beauté, qui nous ramène à des pratiques auparavant courantes. « Il faut savoir qu’en 1976, quand Anita Roddick, la fondatrice de The Body Shop, a ouvert sa première boutique à Brighton, il n’y avait absolument aucun produit disponible dans un flacon en plastique. C’était uniquement de la recharge. C’est une pirouette de l’histoire, on revient aux fondamentaux », affirme-t-il.
Changer les habitudes
En parallèle au développement de cosmétiques solides et/ou anhydres, le vrac et la recharge apparaissent désormais comme une évidence pour les acteurs de l’industrie qui s’attellent à réduire significativement leurs déchets pour répondre aux objectifs ambitieux de Loi AGEC (Anti-gaspillage pour une Economie Circulaire).
« Les solutions de réemploi sont une manière efficace pour réduire les déchets : le meilleur déchet n’est-il pas celui qu’on ne produit pas ? », interroge Stéphanie Lumbers de la FEBEA. Si la recharge ne permet pas de supprimer totalement les emballages à usage unique, son impact est toutefois considérable. « Jusqu’à 80% de plastique en moins », souligne-t-elle.
Et lorsqu’il s’agit de réemploi, les pistes étudiées par le secteur ne sont autres que la recharge, le remplissage de contenants sur le point de vente via le vrac, et l’emballage consigné, comme le souligne la directrice du développement durable de la FEBEA. Elle tempère toutefois : « Il n’en demeure pas moins que la mise en œuvre du réemploi n’est pas chose aisée ». Car ce déploiement nécessite des investissements non négligeables et, surtout, une transformation des habitudes des consommateurs comme des détaillants.
Pour Hugues Laurençon de The Body Shop, la transition a été un succès, au point que les douze produits disponibles à la recharge, qui sont pour l’instant toujours disponibles en flacon, se vendent désormais plus en recharge qu’en bouteilles. « Nos clients nous ont suivis, et nous sommes parvenus à faire la transition du plastique à usage unique vers la recharge. C’est extrêmement encourageant. Notre souhait est d’aller encore plus loin, et de proposer de nouveaux produits à la recharge, car il y a une vraie appétence pour le sujet ».
Et les résultats en matière de durabilité se sont eux aussi rapidement fait sentir. « On a réussi à faire économiser plus de 45.000 bouteilles en plastique à la planète, rien que sur la France », explique le directeur général de la marque pour la France et le Benelux.
Un bénéfice qui a séduit bien d’autres acteurs de la cosmétique qui s’emploient à démocratiser ces nouveaux usages, dans des modalités et des formes variées : Pachamamaï, Mono Skincare et 900 Care avec des formules solides à dissoudre dans des emballages réemployables, La Crème Libre qui propose un système de recharge via des pots ou des flacons réutilisables, Yodi ou Step One avec leurs produits en poudre, ou encore The Naked Shop, spécialiste des liquides en vrac.
De la nécessité d’un déploiement plus rapide
Reste désormais à rendre ces nouveaux usages plus accessibles, et ce à grande échelle, car le vrac et la recharge ne concernent encore que très peu de produits, et une poignée de marques seulement, avec une distribution parfois très concentrée à Paris ou dans les grandes agglomérations.
L’enjeu est donc maintenant un déploiement plus rapide et plus massif du vrac et de la recharge.