La puberté précoce chez les jeunes filles pourrait être liée à certaines substances présentes dans les produits cosmétiques et leurs emballages. - Photo : © JackF / Istock

L’étude, conduite par Kim Harley et Brenda Eskenazi, de l’université de Berkeley en Californie et publiée dans la revue Human Reproduction, met en évidence une association entre certains phtalates, parabènes ou phénols et la puberté précoce des jeunes filles. [1]

L’équipe de chercheurs est partie du constat d’une hausse des cas de puberté précoce chez les jeunes filles ces dernières années. Sous la direction du professeur Kim Harley, ils ont analysé les données de 338 couples mères-enfants de la phase de grossesse à l’adolescence.

Mères et enfants

Les chercheurs ont recruté des femmes enceintes en 1999-2000 vivant aux États-Unis. Il s’agissait majoritairement de latinas vivant sous le seuil de pauvreté défini au niveau fédéral et sans diplôme d’études secondaires. Des questionnaires ont été réalisés durant la grossesse des mamans.

L’équipe de recherche a ensuite mesuré les concentrations de différentes molécules dans l’urine prélevée chez les mères pendant la grossesse et chez leurs enfants âgés lorsqu’ils étaient âgés de 9 ans. Trois types de substances ont été ciblées :

 trois métabolites de phtalates (phtalate de monoéthyle [MEP], phtalate de mono-n-butyle et le phtalate de mono-isobutyle),
 le méthylparabène (ou 4-hydroxybenzoate de méthyle) et le propylparabène (ou 4-hydroxybenzoate de profile) ;
 quatre autres phénols (triclosan, benzophénone-3 et 2,4 et 2, 5-dichlorophénol).

Les trois composants chimiques cités précédemment ont été retrouvés dans 90% des échantillons, à l’exception du triclosan (type de phénol) qui a été détecté dans 73% des échantillons d’urine issus des femmes enceintes et 69% des échantillons issus des enfants de neuf ans.

Parallèlement, l’âge de la puberté a été évalué chez 179 filles et 159 garçons tous les 9 mois, entre 9 et 13 ans, grâce à la méthode de classification clinique de Tanner.

Exposition prénatale

L’étude a permis de montrer que les jeunes filles exposées à ces substances sont davantage susceptibles d’avoir une puberté précoce. Le risque le plus fort concernant les filles dont les mères étaient les plus exposées au phthalate de monoéthyle (MEP), au triclosan (TCS) et au 2,4-dichlorophénol (2,4-DCP).

Les chercheurs ont découvert que des concentrations plus élevées de MEP et de triclosan dans l’urine prénatale étaient associées à des changements dans le calendrier des étapes de développement des enfants. Plus les concentrations augmentent, plus les signes de puberté interviennent tôt. Une situation problématique dans un contexte où les écarts d’exposition, au sein des femmes enrôlées dans l’étude, pouvaient varier de 1 à 20 selon les substances.

Possibilité de causalité inversée

Des études avaient déjà été réalisées sur des rats (Bateman and Patisaul, 2008 et Rasier et al., 2006), montrant que les phénols, les parabènes, et les phtalates pouvaient avoir des effets perturbateurs du système endocrinien. Toutefois, aucune étude n’avait étudié les effets de ces substances sur l’humain, à la fois lors de la période prénatale et lors de la période précédant la puberté. « Cela complique la comparaison avec d’autres études,  » expliquent les auteurs.

Les chercheurs mettent également en garde sur le fait que « les résultats concernant l’exposition péripubertaire aux méthyl et propyl parabènes pourraient refléter une causalité inversée si, par exemple, les filles et les garçons qui entrent tôt dans la puberté devenaient ainsi davantage susceptibles d’utiliser des cosmétiques contenant ces conservateurs par rapport aux enfants entrant plus tard dans cette période. »

En effet, ces produits chimiques sont rapidement métabolisés et se retrouvent très vite dans l’urine (en 24 à 48 heures). Une à deux mesures d’urine par stade de développement pourraient ne pas refléter avec précision l’exposition habituelle.

Autre limite de l’étude, toujours selon ses auteurs, elle repose sur une communauté d’enfants latinos pauvres vivant dans des communautés rurales. On ne peut donc exclure d’autres facteurs de contamination tels que les pesticides.

Malgré ces limites, les auteurs considèrent que leur étude est méthodologiquement solide, avec une construction longitudinale et des mesures de biomarqueurs d’exposition au cours de deux fenêtres critiques du développement. Elle « contribue à une littérature de plus en plus importante suggérant qu’une exposition à certains produits chimiques perturbant le système endocrinien pourrait avoir une incidence sur l’âge de la puberté chez les enfants ».