Le gendarme français de la concurrence a publié lundi un communiqué de six pages à destination des entreprises en passe de mettre en œuvre un projet lié au développement durable - un terme qui englobe notamment « les questions de lutte contre le changement climatique, de préservation des ressources naturelles, de lutte contre la perte de biodiversité », selon l’Autorité.
Avis en amont
Concrètement, les entreprises concernées peuvent saisir le rapporteur général de l’Autorité, qui pourra sous certaines conditions leur adresser des « orientations informelles ».
« Lorsque le rapporteur général considère que le projet envisagé apparaît compatible avec les règles de concurrence, la lettre d’orientation informelle indique que, si ce projet devait se concrétiser dans les conditions exposées, il n’y aurait pas lieu d’ouvrir une enquête ni de proposer une autosaisine de l’Autorité », détaille le gendarme de la concurrence. À l’inverse, « lorsque le rapporteur général considère que le projet envisagé apparaît incompatible avec les règles de concurrence, la lettre d’orientation informelle l’indique et invite les demandeurs à ne pas le mettre en œuvre en l’état », est-il encore expliqué.
Cette démarche collaborative, en amont de la conclusion d’un accord, est inédite pour une institution dont le rôle est aussi d’infliger a posteriori des sanctions aux entreprises ayant enfreint le droit de la concurrence, par exemple en abusant de leur position dominante sur un marché.
Dispositifs de notation
« C’est la première fois que l’Autorité va envoyer des lettres aux entreprises en leur disant ce qui va et ce qui ne va pas » dans des projets pas encore réalisés, a souligné son président Benoît Cœuré lors d’un échange avec des journalistes.
« L’autorité de la concurrence néerlandaise a ouvert la voie avec de nombreux cas déjà à son actif comme, par exemple, l’autorisation d’un projet de réduction de la quantité de plastique utilisée dans des emballages de packs de boissons qui aurait pu poser des questions de compatibilité aux règles de concurrence », a-t-il ajouté.
Cette possibilité offerte aux entreprises de collaborer avec le gendarme national de la concurrence ne devrait a priori pas s’étendre à d’autres domaines que le développement durable, indique Benoît Cœuré.
Le développement durable fait partie des priorités affichées par l’Autorité dans sa feuille de route 2024-2025, publiée en février. Dans ce document, le gendarme de la concurrence s’était également engagé à étudier « les problématiques de concurrence qui peuvent s’attacher aux dispositifs de notation visant à informer les consommateurs sur la durabilité des produits de grande consommation ou de certains services ».
La construction de ces systèmes de notation nécessite le partage d’informations, mais ils sont aussi susceptibles de former autant d’entraves à la concurrence si, par exemple, leur accès est restreint à quelques entreprises. Dans le secteur des cosmétiques, des dispositifs comme EcoBeautyScore, SPICE ou Green Impact Index ont ainsi été mis en place par différentes coalitions d’acteurs. En février de cette année, l’Autorité de la concurrence avait indiqué vouloir étudier attentivement le fonctionnement de tels dispositifs.