Treize ans après sa dernière présidence, la France prendra le 1er janvier 2022 la tête du Conseil de l’Union européenne pour six mois. Loin d’être symbolique, cette présidence est stratégique puisque le Conseil partage avec le Parlement européen le processus dit de « codécision » et se trouve, à ce titre, chargé de piloter les dossiers thématique qui sont de la responsabilité de l’Union. Également appelé Conseil des ministres de l’UE, cette institution de premier plan réunit les ministres des 27 États membres dans dix formations thématiques (conseil agriculture et pêche, conseil affaires étrangères ou encore le conseil affaires économiques et financières, etc.). En pratique, ce sont généralement les hauts fonctionnaires chargés des dossiers à l’ordre du jour des différentes réunions qui participent aux négociations.
Cette présidence se tiendra toutefois dans un contexte particulier, puisqu’elle coïncide avec la tenue d’élections présidentielles qui pourraient conduire à un changement à la tête de l’exécutif français.
Sécurité, distribution, contrefaçons, emballages …
Alors que l’Union européenne produit l’essentiel du cadre réglementaire auquel sont soumis les fabricants de produits cosmétiques, la FEBEA alerte sur le caractère stratégique de ce mandat. Plusieurs textes clés sont en effet en cours de révision, à commencer par la règlementation européenne des « cosmétiques » [1], mais aussi celle qui concerne la distribution sélective [2], ainsi que plusieurs autres projets qui impacteront directement ou indirectement le secteur : lancement d’une stratégie sur la chimie durable, refonte du cadre applicable aux emballages, renforcement de l’information des consommateurs, régulation des plateformes numériques...
En ce qui concerne la réglementation des produits eux-mêmes, la FEBEA plaide pour le maintien d’une évaluation de la sécurité des ingrédients construite autour de la notion de risque. « À l’inverse de la notion de danger, cette approche permet d’autoriser un ingrédient dont la preuve d’une utilisation sûre, à une dose donnée, a pu être apportée, et évite l’interdiction a priori de certains ingrédients », explique le syndicat professionnel.
L’organisation, qui représente plus de 350 entreprises, du secteur de la beauté, dont 82% de TPE et PME, s’inquiète également du « flou juridique » qui entoure la notion d’essentialité qui pourrait entraîner l’interdiction pure et simple de milliers d’ingrédients, notamment des huiles essentielles. « Si l’exemple de la lavande est souvent cité, il faut aussi anticiper que, demain, le vétiver ou encore le patchouli, qui sont utilisés dans de très nombreuses compositions parfumantes, soient interdits a priori, en raison de leur possible effet irritant sur certaines personnes. Toute la filière française de la parfumerie, leader et référence mondiale, serait mise en péril ».
Le secteur cosmétique souhaite également qu’il soit mis fin aux incohérences qui peuvent exister entre les différentes réglementations européennes afin de consolider l’interdiction des tests sur animaux entrée en vigueur en 2013.
Concernant la distribution sélective, la FEBEA insiste sur l’importance de la vente en parfumeries pour préserver l’image de marque et la qualité du conseil. Dans un contexte où le commerce en ligne est en plein essor, elle insiste sur le nécessaire assouplissement des règles qui visaient initialement à favoriser ce canal.
Le développement du digital s’étant également accompagné d’une explosion de la vente de contrefaçons, notamment via les places de marché en ligne, l’industrie des cosmétiques appelle à ce que les textes européens à venir comme le Digital Services Act et la révision de la Directive générale sur la sécurité des produits puissent garantir à tous les consommateurs qui achètent en ligne, un accès à des produits sûrs et conformes à la réglementation européenne. Elle demande ainsi à ce que la responsabilité des plateformes d’intermédiation soit renforcée.
Pour renforcer l’information des consommateurs sur les sujets environnementaux, la FEBEA juge inefficace les tentatives de mise en place d’une méthodologie unique et commune à tous les secteurs et privilégie une approche sectorielle, basées sur des méthodologies scientifiques solides.
Enfin, en matière d’emballages, l’industrie des cosmétiques souhaite que la révision de la directive emballages [3] permette d’harmoniser les réglementations nationales sur le plastique à usage unique, afin de sécuriser les investissements réalisés en faveur d’emballages recyclables. « Dans un contexte de multiplication des réglementations nationales en matière d’emballages, il est crucial que chaque État membre se voit appliquer les mêmes règles partout au sein de l’Union européenne », insiste la FEBEA.
Secteur clef de l’industrie française
Deuxième contributeur net à la balance commerciale française, après l’aéronautique, l’industrie des cosmétiques a exporté plus de 5 milliards d’euros de produits vers les autres pays de l’Union européenne en 2020. L’UE est la première destination (40%) des exportations françaises de cosmétiques.Toutefois, compte tenu de l’influence de la zone, dont la législation inspire de nombreux autres pays, l’importance des réglementations européennes dépasse largement le seul cadre régional.
On le voit, les enjeux de cette présidence sont nombreux, mais elle ne tombe pas au meilleur moment, dans un contexte politique tendu en France à l’approche d’élections incertaines. L’industrie sera donc bien inspirée de rester vigilante quant aux négociations qui se tiendront dans ce cadre.