Après l’Assemblée nationale et malgré quelques réserves du gouvernement, le Sénat a adopté jeudi une proposition de loi écologiste pour restreindre la fabrication et la vente en France de produits contenant des PFAS, ces "polluants éternels" présents dans de nombreux produits de la vie courante.

Le texte du député écologiste Nicolas Thierry, remanié par la chambre haute, a été approuvé à main levée à l’unanimité des votants, avec le soutien de l’alliance majoritaire de la droite et du centre. "Avec cette loi, nous pouvons couper le robinet et réparer les dégâts de 80 années de pollution", a souligné Anne Souyris, sénatrice du groupe écologiste qui espère désormais voir le texte réinscrit à l’Assemblée nationale pour avancer vers une adoption définitive.

Comme lors des débats à l’Assemblée en avril, l’initiative n’a pas séduit outre-mesure le gouvernement, même si le ministre de la Transition écologique Christophe Béchu a salué un texte "opérationnel et concret".

"Que la France puisse faire passer des messages là où il y a un consensus, c’est une chose, mais s’efforcer de construire un cadre qui reste européen est une nécessité", a néanmoins alerté le ministre, craignant que la France ne devance une initiative européenne actuellement en discussion.

Exclusion des objets contenant des traces résiduelles

L’article-phare de la proposition de loi, maintenu par le Sénat, prévoit d’interdire à partir du 1er janvier 2026 la fabrication, l’importation et la vente de tout produit cosmétique, produit de fart (pour les skis) ou produit textile d’habillement contenant des substances per- et polyfluoroalkylés (PFAS), à l’exception de certains textiles industriels ou "nécessaires à des utilisations essentielles". Une taxe visant les industriels dont les activités entraînent des rejets de PFAS, sur le principe du "pollueur-payeur", figure également dans le texte.

Ces deux mesures-clé ont été adoptées avec quelques ajustements, comme l’exclusion du champ d’interdiction des produits contenant des "traces résiduelles" de PFAS (un sujet important pour l’industrie des cosmétique), dont le niveau maximal sera défini par décret.

L’interdiction des ustensiles de cuisine, retirée du texte initial par les députés, n’a pas été réintroduite à ce stade, en dépit de plusieurs tentatives de la gauche.

Malgré son large soutien au texte, la droite a émis quelques doutes : "La bonne volonté française ne pourra ni empêcher les industriels de notre territoire de supporter le coût de la transition, ni dissuader nos partenaires européens de continuer d’exporter ces substances vers notre sol", a interpellé le sénateur de l’Isère Damien Michallet. "Mais nous avons réussi à ne pas montrer du doigt les entreprises", a-t-il ajouté.

Contrôles et transparence

Cette loi est "un progrès dans la bataille contre les PFAS car elle préserve globalement les avancées obtenues à l’Assemblée nationale", a salué dans un communiqué l’association Générations Futures, "bien que nous regrettons l’absence de trajectoire de réduction des émissions atmosphériques ou encore le fait que certains usages ne soient toujours pas couverts par une interdiction rapide".

Ces dernières semaines, outre la mobilisation parlementaire, plusieurs exemples locaux ont replacé le sujet sur le devant de la scène dans des zones particulièrement touchées, comme à Oullins (Rhône), où 600 personnes ont défilé dimanche pour alerter sur les rejets des industriels de la vallée de la chimie au sud de Lyon.

Les débats au Sénat ont également permis de compléter le volet relatif à la transparence des contrôles des PFAS dans les eaux destinées à la consommation humaine. À l’initiative de la gauche, les eaux en bouteille y ont été intégrées, à la suite de révélations sur le recours par des industriels à des pratiques prohibées de désinfection. "Il faut aller vers plus de transparence pour assurer la crédibilité du secteur et la confiance des citoyens", a affirmé le socialiste Hervé Gillé, satisfait d’un texte "certes édulcoré", mais qui constitue "une première brique essentielle contre la diffusion des PFAS".

Le texte doit maintenant retourner au palais Bourbon pour une adoption définitive.