En plus d’être alimenté en électricité bas carbone, le nouveau four de l’usine Pochet du Courval, « consomme deux fois moins d’énergie (...) tout en offrant une capacité supérieure », 66 tonnes par jour contre 50 pour un four à gaz, assure André Frézel, directeur technique du groupe.
Alors que l’industrie en France et en Europe peine à électrifier rapidement ses fours et chaudières biberonnés aux énergies fossiles, le groupe familial spécialiste de l’emballage pour l’industrie du luxe (1.650 salariés dans le verre), maintient le cap de la décarbonation, « à rebours », dit-il, de la conjoncture.
Le groupe fabrique et décore des contenants pour certaines des plus grandes maisons de luxe françaises et internationales. Certains sont devenus iconiques, comme le flacon aux Abeilles de la maison Guerlain, conçu en 1853 pour l’impératrice Eugénie. Près de 200 ans plus tard, Pochet entend répondre aux exigences de ses clients en faveur d’une meilleure performance climatique.
Lire à ce sujet l’interview de Nicolas Piffaut, Directeur RSE et d’Alexis Gosset, Directeur des Partenariats Stratégiques du Groupe Pochet, parue dans notre numéro spécial, Fragrance Innovation, Janvier 2025. |
Le secteur verrier, très dépendant du gaz, représente dans son ensemble 3% des émissions industrielles françaises de gaz à effet de serre, en rejetant en moyenne 500 kg de CO2 par tonne de verre produit, selon la Fédération des industries du verre. Pour réduire l’énergie nécessaire à la fusion, Pochet intègre déjà 15% de verre recyclé. Le groupe vise une réduction de 50% toutes ses émissions de gaz à effet de serre d’ici 2033 par rapport à 2014.
L’électricité, arme de compétitivité
Cette petite révolution a nécessité 7 mois de chantier et 12.000 heures de formation pour maîtriser le nouvel outil. « Le gaz chauffe vite et fort, mais refroidit vite », tandis que l’électricité « chauffe fort, lentement et refroidit lentement », explique Benoît Marszalek, directeur des opérations de Pochet du Courval.
Avec un investissement de 40 millions d’euros, dont 6 millions de subventions publiques, ce choix était loin d’être évident au vu de la hausse des prix de l’énergie « depuis la guerre en Ukrain », reconnaît-il.
Un accord d’achat d’électricité avec une centrale solaire lui garantit des prix stables, pas suffisant néanmoins pour couvrir tous ses besoins en électricité décarbonée. D’où l’appel du directeur général du groupe, Xavier Gagey : « il nous faut un coût de l’électricité abordable ».
En clair, si le groupe veut installer un second four électrique, EDF doit faire des efforts et l’État donner des « signaux clairs » aux industriels qui se décarbonent. « Nos concurrents asiatiques et américains payent l’énergie deux à quatre fois moins cher qu’en France, alors que nous avons une centrale nucléaire à 40 kilomètres », à Penly, relève M. Gagey.
Depuis plus d’une décennie, les clients d’EDF les plus voraces en électricité, de l’aluminium à la chimie, paient leur électricité à prix cassé en France, mais ce dispositif s’éteint en 2026. Et les négociations entre EDF et ces industriels pour le remplacer butent sur le tarif pour des contrats à long terme, jugé excessif par ces « électro-intensifs », pour rester compétitifs.
Xavier Gagey craint in fine que les entreprises plus petites comme Pochet soient moins bien loties que les géants de l’acier ou du ciment. « Nous devons être prises en compte, sinon la décarbonation est en péril », avertit-il.