La cellule Digital et Innovation a vu le jour en Suisse il y a 10 ans. « Au départ, notre approche ressemblait à une chasse aux trésors technologiques : nous cherchions des innovations sur le marché et tentions de leur trouver un rôle dans notre activité. Mais une carte sans boussole peut vite transformer l’exploration en errance. Désormais, c’est l’usage qui guide notre démarche : nous identifions d’abord les attentes du marché, puis nous mobilisons la technologie pour y répondre de façon pertinente », explique Frédéric Merlin, le manager de la Digital Factory de Paris.
Au 5e étage : un parcours client innovant basé sur la co-création
Au 5e étage de la Digital Factory, Givaudan propose à ses clients cinq offres exclusives, dont l’une fait le buzz : les ateliers d’identification rapide de concepts à fort potentiel. Ces sessions sont conçues pour détecter des best-sellers en un temps record. Frédéric Merlin, Manager de la Digital Factory, résume l’enjeu : « Ce qu’on réalise en une journée aurait pris des semaines avec les méthodes et les outils traditionnels. L’IA, alliée à nos experts, et aux bonnes méthodologies, est un levier d’une puissance inégalée ».
Le processus est simple et efficace : après une demi-journée d’inspiration boostée par l’IA, les participants réalisent des ateliers pratiques et éventuellement des jeux de rôles pour rendre tangibles, puis tester leurs concepts, et enfin itérer. Grâce à Alfred, l’IA maison de Givaudan, les idées sont ajustées en temps réel, offrant ainsi des retours immédiats.
Les résultats parlent d’eux-mêmes. « L’agenda est devenu un casse-tête, avec de nombreux clients qui souhaitent revenir profiter à nouveau de ces ateliers. Nos sales managers ne peuvent en parler qu’à leurs meilleurs clients », confie le dirigeant.
Au 6e étage, des projets en mode start-up
Pour réussir sa transformation digitale, Givaudan mise sur deux piliers : méthode et data. « Plus de 60% des applications sur l’app store ou le play store, ne seront jamais téléchargées ! Sans méthode, statistiquement, les chances de réussite sont proches de zéro ! », souligne Frédéric Merlin.
Côté méthodes, on se concentrait auparavant sur la production, la partie “faisabilité”. Les méthodes plus récentes, comme le design thinking ou le lean startup, se focalisent sur la valeur et la “désirabilité”. « En 2025, l’enjeu en innovation est rarement la réalisation mais consiste à réussir à capter ce qui fera adopter votre création », analyse-t-il.
Le deuxième pilier de la réussite à l’ère de l’IA est la data science. Afin de rappeler que l’IA, ce n’est pas de la magie, Frédéric Merlin cite avec humour le statisticien Edward Demming : “In God we trust. All others must bring data.” Sur ce plan, Givaudan peut se targuer d’avoir accumulé des données historiques sur plus de 130 ans, et s’adjoint pour les traiter une équipe d’experts dont de nombreux PhDs en mathématiques.
Carto, un pivot pour la Digital Factory
Chez Givaudan, l’évolution vers des méthodes comme le design thinking a pris forme avec la création de Carto, un outil conçu pour stimuler la créativité des parfumeurs en leur offrant une nouvelle manière de visualiser leurs créations.
Avant Carto, les parfumeurs travaillaient sur des formules sous forme de listes d’ingrédients et de quantités. Désormais, ils disposent d’une interface interactive qui leur permet d’explorer leurs compositions sous différents angles, notamment l’impact de chaque ingrédient sur l’ensemble du parfum. « L’ajout d’un robot capable de préparer instantanément des échantillons à partir des formules est venu ensuite », souligne le manager.
MyRomi, une table de mixage de parfums en temps réel
Pour accélérer le développement des parfums, Givaudan dispose également d’une véritable table de mixage de parfums en temps réel. Baptisé MyRomi, cet outil permet de diffuser les odeurs en temps réel « au lieu de passer par des échanges verbaux souvent flous », explique Julien Andrieu, Innovation Product Manager en charge du projet.
En effet, la puissance de nos sens dépasse souvent l’étendu de notre vocabulaire. Goût, odorat et vue nous renvoient à des centaines, voire des milliers de nuances, que nos mots peinent à saisir. Ainsi, le mot "amer" peut évoquer des perceptions aussi diverses que l’amertume du café, de l’écorce d’orange ou du houblon, et il est rare que deux personnes partagent exactement la même définition d’un terme, comme "amertume". Cette incompréhension peut considérablement rallonger le temps de développement d’un parfum.
MyRomi permet d’ajuster le dosage en temps réel, « comme un DJ mixe des morceaux, mais avec des senteurs à la place de la musique ».
L’outil permet également de nombreux autres usages : animation d’évènements, training olfactif, ou accompagnement d’études consommateurs. « Lors de tests, chacun peut réagir instantanément via une appli sur mobile en déplaçant des curseurs qui permettent de moduler les ingrédients, puis d’enregistrer ses préférences. L’analyse de cette data est instantanée et peut se faire à distance, l’outil étant connecté », s’enthousiasme Julien Andrieu.
Guardians of Memories
Parmi les dernières réalisations de la Digital Factory de Givaudan, le jeu Guardians of Memories cible les générations Z et Alpha dans le metaverse. En s’installant sur Roblox, la plus grande plateforme de jeux au monde (90 millions de joueurs quotidiens), ce projet permet aux joueurs de découvrir la création olfactive de manière interactive et ludique. Après trois années de prototypage, de tests et de réflexions, ce jeu à dimension pédagogique transforme l’approche de la parfumerie pour les jeunes générations. “Un pari audacieux qui s’inscrit dans la stratégie digitale de Givaudan, offrant une nouvelle perspective sur l’art de la parfumerie,” souligne Gaël Trinquart, Digital & Innovation manager.