Les notes fruitées à leur plénitude
Déjà très présents l’an dernier, les fruits ont largement dominé cette 15e édition. Qu’ils soient au cœur du propos ou qu’ils côtoient des notes florales ou boisées, impossible de passer à côté. Une tendance que les stands, hauts en couleurs, ont parfaitement reflétée, à l’instar du Fugazzi Market, qui n’a pas désempli durant les quatre jours du salon.
Parmi les notes fruitées, plein phare sur les fruits exotiques : goyave, ananas, fruit de la passion, mangue… À l’image de Born To Stand Out, dont la nouvelle gamme d’extraits a attiré les foules, venues découvrir Black Mango ou Black Guava. Dans le sillage de Oud Maracuja de Maison Crivelli, les accords oud-fruits exotiques connaissent un grand succès. On retrouve aussi beaucoup de notes de fraise, de banane, de pêche et de cassis, sans oublier la cerise qui reste encore en vogue cette année.
Cette tendance tient notamment aux innovations des maisons de composition. En effet, les Jungle Essence de Mane, les extractions Firgood et SFE de dsm-firmenich ou les Symtrap de Symrise, permettent de ciseler des notes fruitées à l’effet plus naturel et réaliste. Le succès des fruits tient aussi à l’appétence pour la niche d’une Gen Z devenue le cœur de cible des marques, et à la montée en puissance du marché américain, très friand de ce registre. De manière générale, cet engouement doit aussi beaucoup au charme lumineux des fruits, qui envoie un message optimiste en temps de crise.
Nouveaux territoires gustatifs
Esxence 2025 était également empli d’effluves plus gustatives que gourmandes, tant le culte de la food sur Instagram a imprégné la parfumerie de niche. Depuis trois ans, les fruits à coque (noisette, pistache, amande…) ont le vent en poupe. La gourmandise s’affirme aussi autour d’effets crémeux tels que le lait chaud. Sans oublier les notes hyper trendy de café ou de cacao, qui renouvellent les accords ambrés. À l’image de Néroli Hasbaya chez Atelier Materi, avec sa fleur d’oranger ourlée de pistache et d’amande, de Cacao Pimento et Cacao Timur chez La Closerie des Parfums, à Tonka Latte chez Dusita (vanille, fève tonka, notes lactées, miellées), à Milk & Matcha chez Obvious, avec ses notes vertes et lactées mêlées à la fleur d’oranger, ou Passion Bliss chez Alexandre J (fruit de la passion, lait chaud). Dans un registre “salé”, on pense à La Foncedalle, chez Versatile, avec son accord de “bière, de weed et de poulet rôti”.
La vanille, nouvel ingrédient réconfort depuis deux ans, évolue elle aussi. Elle délaisse l’univers gourmand auquel on l’a souvent cantonnée, pour se révéler boisée et épicée. La gousse épouse le cèdre et l’encens pour Crème Ebène de Nicolaï, rehaussée d’épices. Même univers (une vanille sombre, cuirée, épicée) chez Atelier Materi, à découvrir au printemps. Dans un registre proche, les marques revisitent les accords ambrés avec des effets de tension, jouant de notes verticales et modernes. À l’image de 403 Myrrh Shadow chez Bon Parfumeur, où l’akigalawood, ingrédient fétiche de Quentin Bisch, vient booster un lit de baumes, relevé de poivre du Timut.
Des facettes ciselées qui renouvellent le propos
Les notes épicées étaient très présentes sur le salon. Les baies roses, le safran ou le poivre du Timut se glissent un peu partout, quel que soit le registre olfactif. Des notes fusantes, montantes, qui illustrent la course à l’intensité que connaît la niche actuellement. À l’image des bois ambrés qui offrent de la projection, ces épices propulsent le sillage dès les notes de tête. Elles se marient en outre parfaitement avec l’encens, le cèdre ou l’ambroxan, notes boisées très en vogue.
Les facettes vertes apportent un nouveau bol d’air frais, épousant la quête de naturalité du moment. Le cassis, la feuille de tomate ou l’extrait de poivron vert, insufflent une touche joyeuse, moderne et végétale aux accords floraux ou boisés. À l’instar de Love is Coming chez The Different Company ou de Chromodoro chez Astrophil & Stella.
Encore trendy, les muscs se révèlent eux aussi facettés, travaillés dans des jeux de texture et de lumière. Pour Jacques Fath, le parfumeur Jean-Christophe Hérault imagine Musc Couture. Un musc aux nuances propres, irisées et fruitées, pensé comme une robe de couturier fluide et sophistiquée à la fois. Chez Oh Top, Musc D’Hiver oscille entre le froid mordant de la menthe et des baies roses, et la chaleur enveloppante d’effets musqués et boisés.
Enfin, le bois de oud se renouvelle lui aussi sous un nouveau jour, avec une écriture occidentale. Une tendance déjà très visible lors du salon TFWA 2024. Le bois d’agar épouse désormais des facettes “clean”, florales ou fruitées, à l’image de Oud Nebula chez The Harmonist ou de Oud Cherry chez Born To Stand Out. Plus aseptisé, il permet d’apporter de la profondeur et une touche animale au parfum.
Globalement, la parfumerie de niche devient plus accessible, privilégiant des notes feel good, réconfortantes. Elle cultive un style lisible, qui participe à la quête d’intensité du public, incitant de plus en plus de marques à proposer des Extraits. Celles-ci étoffent aussi leur gamme autour de produits corporels (brume pour cheveux, crème pour les mains ou le corps), renouvelant ainsi la gestuelle parfum. Enfin, on note cette année un plus grand nombre de marques venues de Corée du Sud, du Vietnam, de Chine ou du Japon, témoignant ainsi de l’intérêt croissant de l’Asie pour la parfumerie de niche.