Le couturier français Pierre Cardin, styliste visionnaire et pionnier du prêt-à-porter, est décédé mardi à l’âge de 98 ans, a annoncé sa famille à l’AFP. Fils d’immigrés italiens devenu un homme d’affaires au nom mondialement connu, Pierre Cardin est mort dans la matinée à l’hôpital américain de Neuilly-sur-Seine, à l’ouest de Paris.
De l’apprentissage à l’empire mondial
Né dans la pauvreté en 1922 près de Venise, sa famille a émigré en France alors qu’il était tout jeune enfant. Il a grandi dans la ville industrielle de Saint-Étienne et a été apprenti chez un tailleur à Vichy à l’âge de 17 ans, déjà spécialisé dans les costumes pour femmes.
Débarqué à Paris en 1945, Pierre Cardin est passé notamment chez Paquin et Schiaparelli avant de rejoindre Christian Dior, puis de créer sa propre maison de couture. Créateur à l’esthétique futuriste, à l’instar d’André Courrèges et de Paco Rabanne, il a connu le succès dès ses débuts, notamment avec ses robes bulles en 1954.
Avant beaucoup d’autres, Pierre Cardin avait ouvert un "corner" de prêt-à-porter dans un grand magasin, fait défiler des hommes. Il a aussi été l’un des premiers à adopter à grande échelle un système de licences qui lui assurait une diffusion dans le monde entier, apposant son nom sur des produits aussi divers que des cravates, des cigarettes, des parfums ou de l’eau minérale.
1000 licences et franchises
Précurseur de la mondialisation, Pierre Cardin a misé très tôt sur l’Asie pour développer ses licences : il a ainsi mis le pied en Chine dès 1978, devenant un des premiers investisseurs étrangers à s’implanter sur ce marché et aussi le premier couturier occidental à défiler à Pékin en 1979.
À son apogée, Cardin se vantait de posséder quelque 1000 licences et franchises, de la mode à l’alimentation en passant les cigarettes et les meubles, générant des centaines de millions de ventes annuelles et diffusant son nom dans le monde entier.
« Cas d’école »
Utilisée et franchisée à outrance, la marque Cardin montrera plus tard des signes d’usure.
« L’ubiquité a tué la désirabilité de la marque. Avec cette démultiplication à l’infini des licences, c’est la valeur qualité qui en a souffert. On trouvait du Cardin dans n’importe quel produit, n’importe où dans le monde », résume pour l’AFP Éric Briones, cofondateur de l’école de mode Paris School of Luxury.
Son modèle des licences poussé à l’extrême est même devenu un cas d’école, étudié dans le marketing sous le néologisme de « cardinisation ».
Éric Briones met en avant « une dimension schizophrénique : autant Pierre Cardin le créateur était avant-gardiste et moderniste, autant dans le monde des licences le style était bourgeois, rassurant, bien loin de ses expérimentations couture ».
En 2009, la maison avait revendu une partie de son empire en Chine (soit une trentaine de licences textile et accessoires) à des partenaires chinois pour 200 millions d’euros. Mais en 2011, quand il cherche à céder sa maison de couture, il ne trouve pas d’acheteur.
En 2018, la fortune de Pierre Cardin était évaluée à 600 millions d’euros, par la magazine Forbes.