Fondé en 1796 par la princesse Izabela Czartoryska pour préserver le patrimoine polonais, le musée Czartoryski de Cracovie abrite de nombreux trésors, parmi lesquels des antiquités grecques et égyptiennes. Mais le joyau de sa collection d’art est "La Dame à l’hermine", une huile sur bois réalisée par Léonard de Vinci à la fin du XVe siècle. Chaque année, des hordes de visiteurs se pressent pour admirer la Joconde de la Cracovie. D’ici peu, ils pourront aussi … la sentir !

En effet, le musée s’est associé à des scientifiques slovènes pour créer un parfum évocateur de ce tableau emblématique du maître de la Renaissance italienne. La fragrance mêle des arômes de noyer - le bois sur lequel Léonard de Vinci a peint ce portrait - mais aussi de vernis, d’huile et de détrempe. Elżbieta Zygier, conservatrice en chef du musée national de Cracovie, la trouve « agréable et complexe », quoiqu’assez déstabilisante. Le grand public pourra prochainement – la date officielle n’est pas encore connue – la découvrir à côté du tableau qui l’a inspirée.

Les scientifiques à l’origine de cette initiative travaillent d’ores et déjà à la création d’autres senteurs inspirées par d’autres œuvres d’art, dans le cadre du projet Odotheka.

Voir par le nez

Partout dans le monde, les établissements d’art n’hésitent plus à solliciter l’odorat de leur public dans le cadre de visites multisensorielles. Car ce sens est bien plus puissant qu’on l’imagine communément. Le nez humain serait capable de distinguer 1000 milliards d’odeurs différentes, selon une étude américaine parue en 2014 dans la revue Science. C’est bien plus que le chiffre de 10.000 longtemps retenu par la communauté scientifique. Il serait donc dommage de ne pas stimuler notre odorat au musée, surtout que ce sens est intimement lié à nos souvenirs.

Le Centre des monuments nationaux l’a bien compris et propose, depuis le 19 mars, une expérience olfactive intégrée au parcours de visite de l’Hôtel de la Marine, place de la Concorde à Paris. Toujours dans la capitale française, le Musée national de la Marine, place du Trocadéro, s’est associé en 2023 à Nathalie Lorson, maître parfumeur chez Firmenich, pour se créer une signature olfactive évoquant l’odeur de la pleine mer.

À Amboise, pour l’exposition Léonard de Vinci et les parfums à la Renaissance, du 7 juin au 15 septembre 2024 au château du Clos Lucé, dernière demeure de Léornard de Vinci, les organisateurs ont fait appel à Calice Becker et aux nez de la maison Givaudan, pour créer les 28 fragrances présentées tout au long du parcours multi-sensoriel.

Auparavant, l’Institut du monde arabe (IMA) avait sollicité le parfumeur créateur Christopher Sheldrake pour l’ensemble des dispositifs odorants jalonnant l’exposition dédiée à la culture du parfum dans le monde arabo-musulman, qui s’est tenue à Paris de septembre 2023 à mars 2024.

L’année dernière, le Musée du Domaine Royal de Marly, qui avait choisi de mettre à l’honneur l’art de s’apprêter à la cour des souverains français aux 17e et 18e siècles, s’était appuyé sur l’expertise de Bruno Jovanovic, Senior parfumeur Firmenich pour recréer trois parfums emblématiques des goûts et préférences des cours de Louis XIV, Louis XV et Louis XVI.

Avant cela, le musée du Prado avait monté une exposition autour du tableau de Peter Paul Rubens et Jan Brueghel l’Ancien, "Allégorie de l’odorat", pour laquelle des diffuseurs de parfum avaient été installés dans ses galeries. Le but : aider les visiteurs à mieux comprendre tout le flair artistique des deux maîtres flamands.

L’utilisation du patrimoine olfactif comme source d’inspiration pour l’innovation est l’un des thèmes prévus du prochain Fragrance Innovation Summit, qui se tiendra à Paris le 27 novembre 2024. Programme et inscription ici.