Dans le premier volet de l’étude, les deux consultantes se sont penchées sur un aléa touchant toutes les industries dépendantes du végétal : la dégradation de la qualité des sols et plus particulièrement de leur microbiome. Soixante années d’utilisation intensive de pesticides ont contribué à éliminer les organismes vivants faisant la richesse des terres agricoles, et produisant une grande partie des nutriments qui permettent à la plante de s’épanouir, de se protéger, de se reproduire.
« Un sol vivant contient une biodiversité incroyable, composé d’animaux et de micro-organismes encore méconnus. C’est la synthèse de cet écosystème qui va donner les nutriments, les arômes, les minéraux, les vitamines aux plantes, or aujourd’hui dans le monde, on considère que plus de la moitié des sols sont des sols morts », alerte Pascale Brousse.
L’altération du microbiome des sols, et par conséquent des végétaux qu’ils font naitre, peut donc impacter directement la qualité des matière premières naturelles qui font l’envergure d’un parfum.
« Il peut y avoir une fluctuation dans la composition biochimique des essences des plantes quand un sol est en souffrance », explique Françoise Rapp.
Et de souligner que le sujet est déjà au cœur des préoccupations de grands acteurs, à l’image de Moët Hennessy dans le domaine des vins et spiritueux, à l’origine du congrès World Living Soil qui s’est déroulé en octobre dernier à Arles.
« Si une Maison comme Moët Hennesy a décidé de créer un congrès bi-annuel pour parler des sols vivants et s’est engagé à transformer ses terroirs en régénératif d’ici 2030 c’est parce qu’ils savent qu’ils ne produiront plus de champagne, de cognac et de vins de qualité si rien ne change », assure Pascale Brousse.
« Il y a une injonction à redonner vie à ces sols dans une société qui veut aller de plus en plus vers le naturel et qui se trouve en même temps confrontée à une problématique de matières premières naturelles appauvries », ajoute Françoise Rapp.
Retrouver le rôle originel du parfum
Autre impact relevé par l’étude, cette fois sur le microbiome cutané. Les expertes soulignent que le changement climatique va transformer la façon dont le consommateur va percevoir et vivre le parfum.
L’équilibre du microbiome cutané dépend de notre équilibre interne, mais aussi de facteurs extrinsèques, donc de l’environnement. Or la hausse des températures ainsi que l’humidité peuvent déséquilibrer le microbiome et le ph cutané rendu plus alcalin, et favoriser ainsi le risque d’une barrière hydrolipidique fragilisée donc plus sensible, notamment aux parfums alcoolisés.
Par ailleurs selon Françoise Rapp, les climats chauds et humides vont révéler une volatilité des notes de tête, et à l’inverse, les notes de fond vont être plus intensifiées.
Enfin, dernier témoin d’un constat préoccupant, le changement climatique et ses répercussions sur la santé mentale engendrent une multitude de symptômes comme des états d’anxiété ou des troubles du sommeil. Ici, les solutions émergent par le parfum et par l’influence des odeurs sur les émotions.
« Une révolution silencieuse a commencé dans l’univers du parfum mais cela va aller plus loin encore. Le parfum va de plus en plus avoir une dimension thérapeutique, réconfortante, en fine fragrance et surtout en ambiance pour mieux accompagner au quotidien la gestion des émotions et du bien-être », promet Françoise Rapp.
« Cette dimension neuro sensorielle de réconfort va être essentielle et se faire en synesthésie avec les autres sens, comme l’association du parfum et de la musique par exemple. C’est important surtout pour la jeune génération qui est dans l’expérientiel. C’est un grand champ d’expérience pour le parfum de demain, finalement raccordé au changement climatique », conclut sur une note positive Pascale Brousse.
Cet article a été publié dans notre numéro spécial Fragrance Innovation de janvier 2025, à lire ici. |