Dans les années 1970, Dario Ferrari, fondateur et CEO d’Intercos, raconte qu’il a acheté « une entreprise italienne de rouge à lèvres (…) 10 personnes à Milan sur une surface de 2000m2 » [1]. À l’époque Intercos travaillait en produisant telles quelles les formules de ses clients. Puis dans les années 1980 et 1990, l’entreprise a connu un essor hors Europe, surtout aux États-Unis grâce à son partenaire stratégique Estée Lauder. L’entreprise a donc commencé à effectuer des premiers contretypages couleurs, à intervenir davantage dans la distribution… Le personnel R&D était donc l’exécutant du client, à la fois technicien et coloriste dans le cadre du maquillage.
Vu la croissance exponentielle du marché de la beauté au niveau mondial depuis 2000/2010 et l’augmentation de la concurrence, les sous-traitants ont dû se réinventer. Le marketing ou les équipes de développement produit (NPD) recueillent les attentes du client et briefent ainsi la Recherche appliquée des façonniers pour développer des formules client avec texture, sensorialité, actifs, parfums et couleurs personnalisés. Cette structure de la recherche est souvent similaire chez certains clients. Le formulateur est donc partie intégrante du développement produit. Outre l’aspect scientifique et technique de la formulation, il est en charge de vérifier la faisabilité de la formule avec le service matières premières, la conformité avec le service Règlementaire, et la transposition industrielle. Conjointement avec le développement des fournisseurs de matières premières et les premiers masters en science cosmétique (ISIPCA, IPIL…), le rôle du formulateur cosmétique s’est vu mis en lumière, amplifié et mieux connu.
Aujourd’hui, au-delà de la recherche appliquée, c’est la recherche exploratoire en amont qui joue un rôle-clé en sous-traitance. En effet un sous-traitant peut très bien produire à la fois pour des clients mass market comme luxe ou backstage de défilé de mode. Cela laisse un champ créatif très large au formulateur. Afin d’anticiper les besoins du marché et surprendre le client, le formulateur est libre de créer un nouveau fond de teint ou un après-shampooing révolutionnaire. Plus que partie intégrante du développement produit, il devient une véritable force de proposition. Toutes ces innovations seront rassemblées en collections et présentées par exemple lors d’événements internationaux.
Au-delà de la recherche exploratoire, les projets d’open development et joint-development entres sous-traitants et clients se développent. Par exemple les formulateurs d’Intercos travaillent main dans lamain avec les chercheurs en polymères et sciences des matériaux de l’Université de Milan Bicocca pour concevoir les cosmétiques de demain [2].
Les entreprises façonnières et leurs clients ont toujours un accord de confidentialité. Par conséquent le client ne réalise pas toujours la charge de travail et de créativité qu’il a fallu au formulateur pour la concevoir, au coloriste pour faire la teinte et aux équipes d’industrialisation et de production pour la produire.
D’un point de vue personnel, c’est toujours une grande fierté de voir un produit que l’on a conçu avec ses propres idées et son grain de folie vendu par une grande marque renommée !