« Certes, les cosmétiques bio et naturels n’échapperont pas aux arbitrages de consommation vers des produits bio et naturels plus accessibles ou vers des marques conventionnelles à petits prix. Toutefois, la demande sera encore là », estiment les auteurs de l’étude [1].
En effet, selon les experts de la société d’études sectorielles, la volonté des ménages de privilégier des cosmétiques plus respectueux de l’environnement et de leur santé, le développement de l’offre dans tous les circuits, et en particulier dans les grandes surfaces alimentaires (GSA), ou encore la multiplication des innovations, seront de puissants moteurs de croissance pour ce segment, même si celle-ci devrait ralentir.
La croissance reste au rendez-vous
Selon Xerfi Precepta, le marché français des cosmétiques bio et naturels progressera de 2% seulement en 2022 puis de 6% par an en moyenne d’ici 2025 pour atteindre environ 1,2 milliard d’euros, sans toutefois retrouver son rythme de croissance d’avant crise.
Dans l’hypothèse où le marché de la beauté resterait atone, les produits bio et naturels représenteraient alors quelque 10% en valeur. À moins, précise Xerfi Precepta, que les marques peinent à contenir la hausse de leurs prix ou que le lancement du système de notation environnementale EcoBeautyScore, à l’initiative des leaders mondiaux de la beauté, ne change la donne.
Un marché de plus en plus dominé par la grande distribution
Avec plus d’un cosmétique bio et naturel sur deux vendus dans leurs rayons, les GSA ont pris leur leadership sur ce segment. Elles profitent pleinement de l’offensive des géants du secteur sur ce marché (nouvelles marques, déclinaisons bio et naturelles…). N.A.E. (Henkel) et La Provençale Bio (L’Oréal) occupent ainsi respectivement la deuxième et la troisième position des marques de cosmétiques bio et naturels les plus vendues en grandes surfaces, derrière So’Bio Ethic (groupe Léa Nature).
Les pharmacies et parapharmacies s’imposent comme le deuxième circuit de distribution le plus dynamique. Leurs ventes sont en réalité portées par l’engouement des consommateurs pour les dermocosmétiques (Nuxe, Florame, Cattier…).
En revanche, pénalisés par un reflux des ventes au détail des produits alimentaires, les magasins bio ont encore cédé du terrain, ce circuit historique ne captant plus que 18% du marché.
Le poids croissant des GSA devrait favoriser la consolidation de cosmétiques bio et naturels, la grande distribution privilégiant généralement les grandes marques nationales. C’est d’autant plus vrai qu’avec la crise, les coûts de production des fabricants se sont littéralement envolés. « En somme, un boulevard semble s’ouvrir pour renforcer la domination des leaders historiques du marché ou des marques détenues par les grands groupes », affirment les auteurs de l’étude.
Élargissement de l’offre
L’élargissement de l’offre est au cœur des stratégies de développement des marques de cosmétiques bio et naturels. Déjà très présentes sur les segments des soins, de l’hygiène et des shampooings, elles étoffent désormais leur gamme de maquillage et de crème solaire. Maybelline New York (L’Oréal) a ainsi lancé début 2022 Green Edition, sa première gamme de mascaras et rouges à lèvres naturels.
L’amélioration continue des formulations est aussi d’actualité. Pour les laboratoires, il s’agit alors de renforcer l’image de leurs produits et de convaincre les consommateurs sceptiques quant à leur efficacité.
Pour s’adresser à une clientèle plus large, sensible à son empreinte carbone et à la cause animale mais aussi répondre à la contre-offensive des marques conventionnelles, l’intégration de valeurs écoresponsables (approvisionnements issus de filières durables, réduction des emballages ou du nombre d’ingrédients…) au-delà du bio est aussi une nécessité croissante.
L’EcoBeautyScore ou la riposte des marques conventionnelles
Car les géants des cosmétiques ne restent pas immobiles et rivalisent d’initiatives en faveur du respect de l’environnement. Henkel, L’Oréal, LVMH, Natura & Co et Unilever ont ainsi fédéré une cinquantaine d’acteurs au sein du consortium EcoBeautyScore en février 2022. But de l’opération : co-développer un système commun de notation de l’impact environnemental des produits de beauté.
Ce système de notation pourrait venir brouiller les cartes et contraindre les marques de cosmétiques bio et naturels à s’aligner sur les nouveaux engagements environnementaux des majors des produits de beauté, comme l’a déjà en partie fait l’adoption de la norme ISO 16128 sur les ingrédients et produits cosmétiques naturels et biologiques.
« Une telle démarche est susceptible de pénaliser le marché des cosmétiques bio et naturels. Elle pourrait en effet mettre en avant des critères d’achat nouveaux et également valables pour les cosmétiques conventionnels. Certaines marques bio et naturelles pourraient également être mal notés par l’EcoBeautyScore. Sans oublier que l’amélioration de la transparence sur la composition et l’origine des produits de beauté pourrait rassurer certains consommateurs de produits conventionnels », analysent les experts de Xerfi Precepta.