Tout en notant les "progrès" accomplis en 30 ans, le rapport note des "retards importants" sur le recyclage du plastique et de l’aluminium particulièrement. Le rapport critique aussi des "défaillances" dans le pilotage par les pouvoirs publics des éco-organismes, ces structures chargées de gérer les déchets en vertu du principe du pollueur-payeur, dans des filières dites à "responsabilité élargie du producteur" (REP).

Rédigé par l’Inspection générale de l’environnement et du développement durable (IGEDD), l’Inspection générale des Finances (IGF) et le Conseil général de l’économie, de l’énergie et des technologies, ce bilan fait 10 propositions pour réformer le système. Rendu public vendredi par Les Échos, il a été remis au gouvernement en juin.

Selon les auteurs, "40% du gisement des déchets soumis au principe de la REP échappait encore à la collecte en 2022". Certaines filières sont loin de leurs objectifs, notamment le traitement des écrans (déchets d’équipements électriques et électroniques), la filière des produits chimiques, du textile ou encore des emballages ménagers.

Dans ce dernier secteur, les emballages en acier et verre (boîtes de conserve et bouteilles) sont bien recyclés, mais la France accuse un gros retard pour le plastique (23% sont recyclés alors que l’objectif est de 40%), ce qui a valu à la France une amende européenne de 1,6 milliard d’euros.

Au total, "les objectifs de collecte fixés par les cahiers des charges ne sont pas atteints dans deux tiers des filières pour lesquelles les données sont disponibles," constate le rapport.

Obligation aux industriels

Les éco-organismes sont en outre parfois en situation d’abus de position dominante. Le pilotage des filières REP par les pouvoirs publics est par ailleurs "éclaté", avec par exemple des sanctions qui ne sont jamais appliquées.

Le rapport recommande notamment de créer une entité indépendante chargée du pilotage et de la régulation des filières. Cette instance aurait un pouvoir d’enquête, d’injonction et de sanction, et pourrait saisir l’Autorité de la concurrence.

Depuis le début des années 1990, quelque 18 filières dites "à responsabilité élargie du producteur" (REP), avec les éco-organismes correspondants, ont été mises en place. La France est le pays qui "compte le plus grand nombre de filières REP", note le rapport. L’OCDE de son côté promeut ce régime dans les pays dépourvus de système fiable pour la collecte et le tri des déchets.

Cet écosystème s’appuie sur l’obligation faite aux industriels de contribuer à financer la gestion des déchets liés aux produits qu’ils mettent sur le marché (principe du pollueur-payeur). Les industriels le font alors en transférant cette obligation à un éco-organisme agréé, auquel ils versent une "éco-contribution". À charge ensuite à cet éco-organisme d’organiser la collecte, le tri et le recyclage des déchets, avec les collectivités et les entreprises spécialisées dans le traitement des déchets.

Exemple : un producteur de compotes en gourde verse une éco-contribution à Citeo, l’éco-organisme chargé des emballages ménagers, pour que celui-ci finance la collecte, le tri, et le recyclage de la gourde après consommation, et lui évite de finir avec les ordures ménagères à l’incinération ou à l’enfouissage.

Une partie des "défaillances" du système notées dans le rapport ont déjà été mises en lumière notamment par l’enquête La mafia du recyclage d’Yvan Stefanovitch parue en 2023 (Editions du Rocher), qui attirait l’attention sur "les situations de monopoles, les gaspillages et les conflits d’intérêts" du secteur.

"Les plus gros producteurs, distributeurs et importateurs d’une filière industrielle sont en fait les plus grands actionnaires de chaque éco-organisme placé en position de quasi-monopole ou de vrai monopole", soulignait l’auteur.