Si la France demeure un champion sur le marché mondial des cosmétiques, son marché intérieur ne fait pas d’étincelles ! Alors que, selon NielsenIQ, le marché mondial de la beauté a progressé de 7,3% en 2024 par rapport à l’année précédente, et même de 7,7% en Europe de l’Ouest, les ventes en France affichent une hausse de 3% en valeur, à 9 milliards d’euros, et sont en recul de 2% en volume, selon les données de Circana, révélées vendredi 14 mars, à l’occasion de la journée Beauty Business du CEW France.

Ce sont surtout les ventes en grandes surfaces alimentaires (GSA) qui souffrent (-4% en valeur comme en volume), tandis que la distribution sélective parvient à se maintenir en hausse en valeur (+4%), malgré une légère érosion des ventes en volume (-1%). De leur côté, les pharmacies tirent leur épingle du jeu (+10% en valeur et +7% en volume) et s’affichent comme le circuit le plus dynamique du marché français !

Recomposition accélérée de la grande distribution

« Malgré une tendance déflationniste, avec une baisse des prix de 2,2% sur le rayon hygiène beauté, les volumes de vente ont continué à se contracter dans les grandes surfaces alimentaires », explique Valérie Locci, experte du marché Hygiène Beauté en GSA chez Circana.

En GSA, les achats des consommateurs restent contraints par les prix alimentaires qui ont progressé de 20% au cours des trois dernières années.

Mais c’est aussi le modèle des grandes surfaces alimentaires qui semble en cause. En France, les consommateurs cherchent à se simplifier la vie et à moins se déplacer, plébiscitant le e-commerce et les magasins de proximité qui gagnent des parts de marchés.

Valérie Locci pointe également le manque d’innovation : la contribution des nouveautés au chiffre d’affaires du rayon hygiène-beauté a été divisée par 2 en 5 ans.

Sur le segment mass, les grandes surfaces sont attaquées à la fois par le dynamisme des acteurs monobrands comme Adopt, Aroma-Zone, Rituals, Nyx ou même Typology, dont le chiffre d’affaires a progressé de 8,6% en 2024, et par la montée en puissance des enseignes de déstockage (Action, Normal, Stockomani, Noz) qui affichent des ventes en hausse de 49% sur la période 2019-2023, tous produits confondus.

Un circuit sélectif poussif tiré par l’innovation maquillage

En ce qui concerne les ventes en sélectif, la France (+4%) est le pays qui progresse le moins en valeur à l’ouest de l’Europe (+8% en moyenne, dont +5% en Allemagne, +10% en Italie, +11% en Espagne et au Royaume-Uni). Après trois années de croissance, les ventes en France ont fortement ralenti au deuxième semestre 2024 avec une saison de Noël décevante.

Dans ce circuit, ce sont les ventes de maquillage (+9% en valeur, +3% en unités vendues) et de soins capillaires (+23% en valeur et +14% en volume) qui ont tiré la croissance en 2024, selon Mathilde Lion, Executive Diector, Global Client Development chez Circana. Le ralentissement est notable pour les parfums (+2% en valeur, -3% en volume) et plus encore pour les soins (+1% en valeur, en -7% volume).

Certains segments affichent toutefois de belles performances. C’est le cas, pour les soins du visage, des produits premium (vendus à plus de 100 euros) et plus encore de l’ultra premium (plus de 300 euros) qui continuent de progresser. En revanche, les produits vendus à moins de 20 euros, qui représentent environ les 2/3 des ventes, tirent les volumes à la baisse.

Côté maquillage, quatre sous-segments (fixateurs, blushes liquides, baumes et huiles pour les lèvres, et anticernes) ont généré 60% de la croissance en 2024, alors que les produits plus traditionnels (rouges à lèvres, mascaras) sont à la peine. L’anticerne est ainsi devenu le troisième segment le plus important en valeur dans la catégorie maquillage, devant le rouge à lèvres.

Dans la catégorie parfums, la polarisation en faveur du haut de gamme se poursuit avec une progression de 36% en valeur des ventes de parfums de niche et de collection à plus de 175 euros. La skinification de cette catégorie bat son plein avec une hausse de 145% des ventes de brumes parfumées et de 71% des huiles parfumées.

« Les perspectives pour 2025 montrent un risque de déconsommation sur le sélectif, mais des opportunités de croissance demeurent. La beauté reste un marché performant, intrinsèquement lié au focus bien-être des consommateurs. Le maquillage devrait continuer sur sa lancée, mais le parfum et le soin seront certainement plus challengés cette année et devront se démarquer », souligne Mathilde Lion.

Un circuit pharmaceutique ultra-dynamique mais exigeant

Depuis la fin de la pandémie, les ventes de cosmétiques dans les pharmacies françaises ont retrouvé un dynamisme qui semblait les avoir abandonné auparavant. « Après une phase de consolidation qui a vu leur nombre se réduire aux dépens des petites officines peu rentables, elles voient aujourd’hui leurs missions s’élargir et attirent des acheteurs en quête de conseil, de proximité et de produits de qualité », explique Nicolas Grelaud, Directeur Général chez OpenHealth Company.

Les ventes du segment hygiène-beauté en pharmacie ont atteint 2,52 milliards d’euros en 2024 soit une hausse de 9% en valeur et de 4,9% en volume (+10% en valeur et +7% en volume pour le seul segment beauté, qui représente les 2/3 du total). Sur ce circuit, l’offre s’élargit et le panier moyen augmente. Mais il reste très exigeant, avec beaucoup de candidats et peu d’élus : 10% des produits totalisent 80% des ventes.

« Le succès de La Rosée, entrée dans le top 5 des marques en pharmacie, se base sur une gamme courte et efficace, qui correspond bien à la réalité de l’officine, avec des pharmaciens qui apprécient les offres bâties sur le principe un besoin – un produit », souligne Nicolas Grelaud.

À noter également, le fort potentiel de la nutricosmétique en pharmacie. Avec des ventes aujourd’hui estimées à 9 milliards d’euros au niveau mondial et qui devraient doubler au cours des prochaines années.

Les ventes en ligne redessinent le marché

Notons enfin, qu’en France aussi le retail beauté est en pleine révolution face à la montée en puissance des acteurs digitaux. Comme dans les autres pays, Amazon gagne des parts de marché et TikTok Shop, qui vient de se lancer dans l’Hexagone, devrait confirmer ici sa capacité à générer des achats d’impulsion.

En France, Amazon Beauté reçoit 40 millions de visiteurs uniques par mois et s’affiche de plus en plus comme un canal de fidélisation avec 42% de réacheteurs.

« Notre ambition est de devenir la destination préférée pour un achat simple et rapide des produits du quotidien, et de compléter notre assortiment et d’enrichir l’expérience consommateur, pour les achats de produits premium », indique Mathieu Badin, Industry Leader Beauty & Pharma chez Amazon France.

Pour se crédibiliser sur ce segment en Europe, le retailer à ouvert un salon de coiffure et d’esthétique (Amazon Salon) à Spitafields Market, à Londres, et une parapharmacie, dans le quartier de Cadorna à Milan.