Dans le cadre du salon in-cosmetics 2025 qui s’est tenu à Amsterdam au début du mois, un panel d’experts en médecine, en dermatologie et sciences a fait part de ses réflexions sur l’évolution de la dermocosmétique. L’un des principaux points abordés par le panel : la nécessité d’investir davantage dans la science et l’éducation.
Information, information, désinformation
« On observe beaucoup de désinformation, et c’est un problème majeur, en particulier dans le secteur de la cosmétique esthétique », souligne à cette occasion Carine Blondin, responsable de la dermocosmétique chez Teoxane SA, spécialiste suisse de la médecine esthétique.
« Fondamentalement, nous devons informer. Chez Teoxane, nous disposons d’un important service chargé d’informer les médecins et les patients sur la qualité des formules. Et cela ne concerne pas seulement nos produits : nous souhaitons renforcer l’éducation », précise-t-elle.
Les consommateurs et les patients doivent être mieux informés sur les différentes molécules et les différents dosages utilisés dans les produits dermocosmétiques, même pour des ingrédients bien connus comme l’acide hyaluronique (AH), ajoute-t-elle. « C’est là que notre responsabilité doit être assumée (…) Nous avons la responsabilité de fournir des données fiables et robustes aux patients afin qu’ils puissent prendre des décisions éclairées ».
Un point de vue partagé par Romun Leaovitavat, dermatologue et consultant médical chez Medico Wellness Co. Cette responsabilité est d’autant plus importante que l’innovation dermocosmétique et la demande des consommateurs sont en plein essor, estime-t-il. « Dans ce secteur, nous évoluons tellement vite que je n’arrive même pas à suivre ; il y a trop d’informations ».
Mais il y a aussi beaucoup de désinformation, ajoute-t-il, notamment sur TikTok et d’autres réseaux sociaux. Selon lui, il est difficile de se démarquer de ce bruit, notamment parce que de nombreux consommateurs accordent autant d’importance aux influenceurs en ligne qu’aux dermatologues, aux médecins et aux marques.
Bonne ou mauvaise sciences
Pour le Dr Kristin Neumann, cofondatrice et directrice scientifique de MyMicrobiome AG, spécialiste des tests du microbiome, la dermocosmétique est actuellement un « Far West » en matière d’information, où bonne et mauvaise sciences sont de plus en plus « difficiles à distinguer ».
Pour l’avenir, elle estime que les marques de dermocosmétiques devraient s’efforcer de publier des résultats scientifiques de manière claire et visible et à chaque fois que possible, afin de se démarquer des marques qui formulent des revendications sans données. Elle invite les marketeurs et les scientifiques à unir leurs forces pour véritablement réussir à diffuser un message scientifique précis. « C’est, je pense, ce qui distinguera les marques sérieuses de celles qui échoueront », indique-t-elle à Premium Beauty News.
Selon Mme Neumann, un marketing davantage basé sur la science correspond également aux attentes des consommateurs. « Aujourd’hui, le client est très attaché à la science. Il veut voir la science derrière les allégations ; il veut des données, et je pense que c’est une excellente chose et que cela oblige les marques à se renseigner ».
Un avis partagé par Carine Blondin, qui souligne toutefois que seules quelques entreprises de dermocosmétiques professionnels investissent dans des études cliniques de qualité, telles que des études randomisées en double aveugle in vitro et in vivo, pour étayer leurs allégations. Elle estime que cela doit changer et que l’industrie des soins professionnels doit se tourner vers ce type d’études, car de nombreuses marques exagèrent sur les vertus de leurs formulations. « Il est trop facile de manipuler les données pour faire de belles allégations qui, au final, ne reflètent pas vraiment les capacités d’un produit ».
Brian Freedman, directeur du marketing stratégique et directeur régional pour l’Amérique du Nord chez Evolved by Nature, une entreprise de biotechnologie, confirme : « Les études cliniques sont évidemment nécessaires. Sans études cliniques, nous n’avons pas d’allégations ».
Mais Brian Freedman estime que le marketing et la marque sont un complément nécessaire à la science, afin d’aider les consommateurs à comprendre ce que le produit offre réellement. « En tant que spécialistes du marketing, nous créons des mots clés pour y parvenir (…) Du point de vue de la marque et du marketing, notre rôle est d’expliquer aux consommateurs ce que nous défendons ».
Sécurité, efficacité et/ou résultats ?
Pour, Romun Leaovitavat le décalage est évident entre les attentes et les priorités des consommateurs de soins dermocosmétiques professionnels et l’offre existante. Les consommateurs privilégient encore largement les résultats rapides, tandis que l’industrie reste focalisée sur la sécurité et l’efficacité.
« D’une certaine manière, nous vivons un conflit entre les attentes des consommateurs en matière de résultats, ce que les dermatologues sont prêts à prescrire et ce que les entreprises sont prêtes à tester », approuve Carine Blondin.
Les entreprises doivent donc, selon elle, s’efforcer de combler cet écart. « Les consommateurs doivent trouver que les produits sont efficaces et que nous devons disposer des données pour le prouver, mais aussi pour que les dermatologues soient convaincus que ces produits peuvent être aussi efficaces que des produits sur ordonnance. Si l’on examine les données cliniques utilisées par les marques de dermocosmétiques, elles sont la plupart du temps très faibles ».
Un avis partagé par Kristin Neumann : « Nous devons trouver un équilibre entre l’efficacité la satisfaction du consommateur, et la protection des jeunes générations et de sa santé à long terme ».
« ...D’un côté, nous avons besoin de produits efficaces, mais ils doivent néanmoins prendre en compte une vision holistique de la santé, car la base d’une belle peau est une peau saine », explique-t-elle.
À l’avenir, la recherche, le développement et l’étiquetage devront donc se focaliser sur la concentration des formules, affirme Kristin Neumann, afin d’aider les consommateurs et les praticiens à identifier les produits les plus adaptés à leurs besoins et à leurs types de peau.
Pour Laure Peslerbe, responsable du développement produit et des études cliniques chez Teoxane SA, il est également important de compléter les études cliniques afin de s’assurer que les produits sont adaptés aux peaux sensibles, pour obtenir un « équilibre parfait entre efficacité et sécurité ».
Selon Romun Leaovitavat des labels et des certifications pourraient être développés pour aider les consommateurs et les dermatologues à identifier plus facilement les produits pertinents, sûrs et de haute qualité.