Pechoin revient de loin. Fondée en 1931 à Shanghai, la marque, pénalisée par une image datée, a failli disparaître. Aujourd’hui, le magazine économique chinois Cyzone (创业邦) la place en tête des marques patrimoniales chinoises (toutes catégories confondues) avec des ventes annuelles estimées à 17,7 milliards de yuans (2,26 milliards d’euros).
Résonance émotionnelle
La publicité a été un levier particulièrement efficace pour le repositionnement de la marque. En 2017, Pechoin lançait une série animée à suivre sur son téléphone, mettant en scène une élégante Shanghaienne, agent secret en mission en 1931. Dans le même esprit d’empowerment, le film publicitaire Quatre beautés en colère relatait sur un ton humoristique la rébellion de femmes brisant les codes de la Chine impériale.
« Les campagnes de Pechoin sont ancrées dans l’histoire chinoise, ce qui entraîne une forte résonance émotionnelle chez le consommateur », analyse le magazine Cyzone.
Début 2019, Pechoin a lancé une opération conjointe avec la jeune chaîne chinoise de thé au lait Hey Tea, sur le thème ‘République de Chine (1912-1946)’. L’esthétique et le climat de l’époque ont inspiré notamment des coffrets cadeau Hey Tea x Pechoin, ainsi que des menus spéciaux dans les boutiques Hey Tea. Décoré de phonographes et de malles anciennes, un bus aux couleurs de l’opération accueillait les visiteurs dans l’ambiance nostalgique du vieux Shanghai.
Très courante à l’heure actuelle en Chine, ce type de collaboration intersectorielle n’a cette fois-ci pas débouché sur la création de produit, comme cela a par exemple été le cas avec le baume à lèvres aromatisé au bonbon au lait de la marque patrimoniale White Rabbit, fruit de son rapprochement avec la marque chinoise de soins de la peau Maxam.
Pechoin a su aussi tirer parti des festivals de shopping chinois, au premier rang desquels la fête des célibataires (Singles day) du 11 novembre, lancée par le géant de l’Internet chinois Alibaba, notamment en s’appuyant sur des KOLs (Key Opinion Leader) spécialisés dans la beauté.
Air du temps et tradition
« Ces influenceurs ont été choisis pour leur capacité à ‘zhongcao’ (种草). Ce terme qui signifie ‘planter la graine d’une idée dans l’esprit du consommateur’ est actuellement très populaire chez les marketeurs chinois », explique l’agence chinoise de marketing ParkLu. Ces KOLs ont mis en ligne des vidéos les présentant en train d’essayer des produits Pechoin tout en partageant leurs impressions.
Les résultats ont permis à Pechoin d’être la marque de cosmétiques la plus vendue durant la semaine du Singles day 2018. « 127 KOLs ont mentionné Pechoin, touchant un spectre de 143 millions de followers et générant plus de 160.000 engagements à travers les plates-formes Weitao, Weibo, WeChat, Xiaohongshu (Little Red Book), et Douyin », rapporte ParkLu. Selon l’agence, en travaillant avec des KOLs, Pechoin a pu transformer son image et séduire les jeunes consommateurs, en établissant un cas d’école pour les autres marques vieillissantes cherchant à se réinventer.
À l’affût des concepts en vogue, la marque a lancé des masques de beauté ‘petits moments de joie’ (小确幸). Dans un contexte marqué par la forte croissance des produits pour hommes (+51 % en 2018 sur Tmall, qui a baptisé l’époque ‘Male Beauty Era’), l’offre inclut aussi une ligne Pechoin Men.
Pechoin a aussi édité en série limité un coffret dans le style chinois traditionnel dessiné par Zhong Hua, chef designer de la Oriental Royal Jewelry au sein de la Cité Interdite.
Montée en puissance de la C-Beauty
« Ce succès de Pechoin démontre la confiance grandissante des consommateurs chinois dans les marques locales », commente l’agence ParkLu. Il intervient aussi dans un contexte de baisse de l’attractivité des produits coréens, notamment auprès des plus jeunes. Une tendance qui bénéficie à Pechoin, connue pour son utilisation d’ingrédients chinois traditionnels à base de plantes.
« Les amateurs de produits de beauté entre 18 et 22 ans sont particulièrement fiers d’acheter des marques d’origine chinoise », affirme le South China Morning Post. Le journal détenu par le groupe Alibaba cite l’étude de l’institut de veille économique Gartner L2 selon laquelle en décembre 2018, 72% des marques chinoises utilisaient le mot clé made in China dans leur liste de produits vendus sur Tmall, contre moins de 50% l’année précédente.
Pechoin a-t-elle des projets hors de Chine ? Un indice allant dans ce sens peut être son adhésion récente à l’IFSCC (International Federation of Societies of Cosmetic Chemists). La fédération a d’ailleurs décerné le prix 2019 ‘Maison G de Navarre du jeune scientifique’ à Yan Liu, chimiste chez Pechoin, pour ses recherches sur le microbiome cutané.