Premium Beauty News - L’Entropiste a été lancée il y a quelques mois autour d’une première gamme de six fragrances et de quatre bougies. Quel en est le concept ?

Bertrand Duchaufour - La parfumerie de niche est un marché saturé où il est difficile de se démarquer. En outre, la frontière entre sélectif et niche se floute de plus en plus. C’est pourquoi je voulais créer une marque avec un parti-pris fort, tant conceptuel qu’olfactif, pour sortir des sentiers battus. Une manière d’élever le débat, en portant un regard onirique sur la créativité.

À travers cette marque, je voulais incarner ma vision de la vie. C’est-à-dire des cycles qui se répètent, d’un point de vue humain et organique. L’entropie, c’est “une grandeur physique qui caractérise le degré de désorganisation d’un système”. Je souhaitais donc mettre en lumière la notion de déséquilibre, ce mouvement, ce point de bascule nécessaire aux évolutions de la vie. D’où le concept du “perfumer Master of Disorder” imaginé par l’agence de design et branding Centdegrés. Car la vie n’avance qu’ainsi, en se déséquilibrant, en créant le danger pour évoluer. L’ordre vient du chaos, comme la lumière ne peut exister que s’il y a les ténèbres autour.

J’ai donc ciselé cette première collection autour du chaos, en structurant certaines matières naturelles à l’aide de notes de synthèse pour amener quelque chose d’inédit. En travaillant notamment des accords très directs, évolutifs, opulents et contrastés. Une approche qui oscille sans cesse entre ordre et désordre, que reflètent les flacons pensés par Centdegrés sur une forme désaxée, et produits par Verescence.

Premium Beauty News - Comment cette ambition se concrétise-t-elle ?

Bertrand Duchaufour - La cohérence totale, du concept aux parfums, en passant par le design du flacon et de la boutique, est essentielle à mes yeux.

Par exemple, Semence Douce s’inspire de l’univers de Robert Mapplethorpe, dont les photos mettent en scène une tulipe charnelle, à la courbure presque provocante. J’ai traduit son regard par une tension entre audace et douceur, naturel et abstraction. Un accord tulipe vert et aqueux, porté par la puissance du safran, habillé d’une facette amande douce. Un parfum très signé, au sillage généreux, oui oscille entre le côté aigu des aldéhydes et la douceur de notes lactées. Chaque fragrance raconte ainsi une histoire forte.

Premium Beauty News - La boutique incarne aussi ce souci de cohérence ?

Bertrand Duchaufour - L’espace reflète l’ADN de la marque, à travers trois couleurs qui représentent cette idée de cycles nécessaires à la vie : le rouge, le noir et le blanc. Le noir symbolise la terre, le blanc incarne le monde des esprits et des morts, et le rouge, la vie. Trois couleurs que l’on retrouve dans le design de la boutique, mais aussi du packaging secondaire en pulpe de bambou recyclé.

La boutique s’imprègne pleinement de mon univers, avec un espace dédié aux expositions. On y retrouve les dessins et les peintures que j’ai réalisés depuis une trentaine d’années. Mais aussi des objets chinés au cours de mes voyages, qui expriment ma passion pour l’art africain et l’art japonais.

Pour sortir du lot, il faut aussi proposer une véritable expérience client ! Je serai donc régulièrement présent au sein de la boutique, de même qu’Alexandra Mettetal, une jeune parfumeure que j’ai formée au cours des quatre dernières années. Les clients auront aussi la possibilité de recharger leurs flacons, car l’espace est doté d’un laboratoire où peser les formules.

Premium Beauty News - Quels marchés la marque vise-t-elle ?

Bertrand Duchaufour - L’Entropiste s’implante d’abord en France, et notamment à Paris. La marque va ensuite se développer en Europe et au Moyen-Orient, avant de se déployer aux États-Unis et en Russie, puis en Asie. L’ancrage made in France est essentiel pour le marché asiatique. C’est d’ailleurs pourquoi l’encens sert de fil rouge à cette première collection. C’est l’une de mes matières fétiches, mais elle est aussi très prisée en Chine !

Premium Beauty News - Allez-vous continuer à vous investir dans d’autres projets ?

Bertrand Duchaufour - Si L’Entropiste marque un aboutissement dans ma carrière, je vais néanmoins continuer à travailler pour TechnicoFlor, dont le soutien a été essentiel pour fonder la marque. Mais à l’exception de quelques projets tels que ceux d’Amouage, je vais toutefois réduire mon activité de parfumeur indépendant.