Premium Beauty News - The Different Company est née avec le concept de parfumerie de niche, quelles étaient les motivations à l’époque ?
Luc Gabriel - Quand la marque a été créée, il n’y avait pas de marché dit de niche. Il y avait juste des parfumeurs compositeurs créateurs, des designers et une envie de revenir à une vraie forme de luxe olfactif, un peu disparue dans la dizaine d’années précédentes. Dans le contexte de 2000, la parfumerie dans son ensemble était devenue extrêmement commerciale, avec la vision d’une catégorie du luxe qui devait rapporter beaucoup d’argent, dans des marchés en pleine explosion. Tout le monde était content d’un point de vue business mais d’un point de vue olfactif, depuis les années 1970/1980, cela devenait plus compliqué.
The Different Company, comme son nom l’indique, est arrivée avec l’idée de lancer une parfumerie alternative qui revenait aux fondamentaux. D’abord, retrouver de vraies matières exceptionnelles, travaillées de manière très différente, ou introduire des éléments olfactifs pas ou peu connus. Mais également, se donner la possibilité de créer un parfum sans contraintes liées à une typologie de clientèle ou à ce qu’on imagine être une demande du marché. Le tout dans de très beaux flacons conçus spécifiquement et qui, dès l’origine, étaient rechargeables, avant même que cela devienne une tendance. C’est le point de départ de la marque, et c’est resté exactement le même au fil du temps.
Premium Beauty News - Revenir aux fondamentaux, est-ce toujours ce qui caractérise la parfumerie de niche ?
Luc Gabriel - Aujourd’hui le message est extrêmement brouillé. Beaucoup d’acteurs associent leur image aux valeurs de la niche mais ne les respectent pas. J’ai observé une évolution de l’offre après la crise de 2008. De nouvelles marques se sont lancées, certaines dans une perspective créative et d’autres dans une perspective plus marketing. Le marché devenait suffisamment grand pour que les marques se positionnent sur tel ou tel segment de marché. By Kilian s’est ainsi positionné très luxe avec des prix très élevés. De son côté L’Atelier Cologne a investi une catégorie qui était clairement délaissée, ils ont su la développer avec une valeur ajoutée. Deux positionnement très différents, qui ont été rachetés par de grands groupes. Or aujourd’hui on voit ces marques déployées partout, en Asie, en Duty Free avec des investissements très forts derrière. Dans ces deux cas, on sort du cadre fixé au départ, ce n’est plus le même métier, mais ça reste un seul et même vocable, le parfum de niche pour décrire des produits radicalement différents. C’est là où le message est compliqué pour le consommateur.
Premium Beauty News - On se dirige donc vers une niche de la niche ?
Luc Gabriel - Il y aura très probablement une segmentation dans l’offre des marques de parfums avec une segmentation dans l’offre de la distribution. Certains points de vente de niche comptent aujourd’hui jusqu’à 60 marques, voire plus, ce qui pour moi, est assez antinomique avec la notion même de niche. On ne peut concrètement bien conseiller un client avec autant d’offre. Donc le travail de sélection en amont par les points de vente va se développer fortement. Le nombre de points de vente aussi, avec des spécificités marquées répondant aux demandes de consommateurs en quête de créations plus pointues. On ne fera que retrouver ce qui était le lancement des parfums de niche au début des années 2000.
Premium Beauty News - Comment The Different Company a traversé ces 20 années ?
Luc Gabriel - Nous avons eu plusieurs phases. Une phase de croissance jusqu’à 2008, la crise est arrivée et tout le monde y a laissé des plumes. Puis un ralentissement pendant lequel les clients regardaient plutôt du côté des nouveautés, puis depuis 2016 un regain de faveur. Le marché devient très encombré mais nous sommes cohérents avec notre discours.
Les flacons sont rechargeables depuis l’origine, ce qui est une tendance très forte, tout est recyclable sauf la pompe. Sans que l’on ait jamais vraiment communiqué sur ce point cela plait aux clients. Nous sommes perçus comme une marque de niche authentique avec un développement très fort sur toute la région Asie et au Moyen Orient.
Premium Beauty News - Quels sont vos projets ?
Luc Gabriel - Nous avons des projets sur des produits olfactifs qui vont plus loin que le flacon et son spray. Également sur des bases différentes que les bases alcooliques. Je regarde toutes les formes à explorer pour utiliser un parfum différemment.
Premium Beauty News - Comment voyez-vous l’avenir du marché ?
Luc Gabriel - Post COVID, cela va devenir un peu compliqué pour beaucoup d’acteur. Cette situation va sans doute assainir un peu le marché, au travers de l’achat, de la distribution et au niveau des marques. Ce n’est pas forcément mauvais.