Le génie de Léonard de Vinci ne connaissait décidément pas de frontières : l’artiste et savant italien s’est aussi illustré dans le domaine des parfums, un parcours retracé tout l’été dans une "exposition multisensorielle" au château du Clos Lucé, sa dernière demeure à Amboise [1].

« Nous voulons faire découvrir l’univers des parfums à la Renaissance à travers deux destinées étroitement liées : celle de Léonard de Vinci et celle de sa mère Caterina, esclave originaire d’Orient, en reconstituant leur trajectoire aventureuse », a expliqué à l’AFP François Saint Bris, le président du Clos Lucé.

Des Monts du Caucase à Constantinople, de la Toscane natale de Vinci à Venise, jusqu’à la cour des Valois dans la campagne du Val de Loire, l’exposition embarque le visiteur dans une promenade au coeur des expériences et des découvertes de Léonard de Vinci sur les parfums de la Renaissance, une première selon les organisateurs.

Visite multi-sensorielle

« C’est inédit ! Pour Léonard de Vinci, l’oeil est la fenêtre de l’âme, la peinture est l’art le plus noble. Ici, on entre dans le profond de sa mémoire et de son univers sensoriel », décrypte Carlo Vecce, professeur de littérature italienne à l’université de Naples et commissaire de l’exposition aux côtés de Pascal Brioist, professeur au Centre d’études supérieures de la Renaissance de l’université de Tours.

Le visiteur du Clos Lucé découvre comment le maître italien (1452-1519) a participé à la révolution des parfums, a dessiné des alambics et rendu plus performantes les techniques de distillation de l’époque.

Intitulée « Léonard de Vinci et les parfums à la Renaissance », l’exposition a pris le parti de raconter une histoire à travers une multiplicité d’approches sensorielles : visuelles, sonores et bien sûr olfactives. « Nous avons travaillé avec les nez de Givaudan, fabricant Suisse de parfums, notamment Calice Becker qui est l’inventrice entre autres, avec Ann Gottlieb, de J’adore de Dior, premier parfum vendu dans le monde », souligne Pascal Brioist.

Ces nez mondialement réputés « ont interprété 28 fragrances présentées tout au long du parcours que le visiteur peut sentir », ajoute-t-il.

Permis de toucher

Un alambic fonctionnel ainsi qu’un oiselet de Chypre (brûle-parfum ouvragé très en vogue à la Renaissance), recréés par des chercheurs à partir des dessins et écrits de Léonard, sont présentés au Clos Lucé. Sont également exposés deux dessins originaux du maître, extraits du Codex Atlanticus prêtés par la Bibliothèque ambrosienne de Milan : l’alambic et l’asphodèle.

Un dispositif olfactif illustre les écrits du savant : « Mets les amandes sans écorce au milieu de fleurs d’orange amère, de jasmin, de troène ou d’autres fleurs odoriférantes et change l’eau à chaque fois que tu devras renouveler les fleurs afin que les amandes ne prennent pas l’odeur du moisi ».

De multiples objets mettent en lumière les différents usages (médicinaux, religieux, esthétiques) des parfums aux XVe et XVIe siècle. L’exposition présente au total plus de 60 oeuvres originales en provenance des musées nationaux français et italiens, et de collections d’art privées, parmi lesquelles quatre peintures des élèves du créateur de la Joconde, dont la Madeleine assise en prière devant le crucifix et Sainte Marie-Madeleine de Giampietrino. Le portrait d’un jeune homme du XVIe siècle signé Franciabigio a été prêté exceptionnellement par le Musée des Offices de Florence.

Soline et Nicolas Baptiste, collaborateurs réguliers de la série "Game of Thrones", ont quant à eux signé les costumes, dont celui du père en armure de Caterina.

L’exposition est non seulement multisensorielle mais aussi interactive. « Les visiteurs peuvent sentir des gants du XVIe siècle, refaits à l’identique, enduits de parfums entièrement reconstitués », lance Pascal Brioist. Il est aussi permis de les toucher « ce qui n’est pas possible dans les musées », sourit l’expert.