Premium Beauty News - Vous avez annoncé que la modernisation du contrat de distribution sélective serait votre priorité pendant votre mandat. Quels en sont les enjeux ?
William Koeberlé - Le règlement est entré en vigueur en 2012 pour une durée de dix ans, donc jusqu’en 2022. Ça peut paraître loin, mais il faut commencer à travailler sur ce sujet dès maintenant car c’est l’élément qui structure toute notre activité. Selon moi, le principal enjeu est celui de l’expérience client, les mêmes critères de qualité doivent être respectés en ligne comme en boutique. Les clients ont déjà beaucoup changé par rapport à l’époque où nous discutions du règlement actuel et ils vont encore énormément changer.
En cinq ans, il y a eu une forte progression du nombre d’acheteurs en ligne et de ceux qui consultent le web avant de venir en boutique. Plus de 70% des clients de la distribution sélective utilisent Internet pour se renseigner sur les produits, les prix, les nouveautés, pour obtenir des conseils, notamment via les blogs. On constate que plus le client va sur le net, plus il achète en magasin et en ligne. Par ailleurs, nous avons beaucoup travaillé avec nos fournisseurs pour standardiser les fiches techniques des produits afin, notamment, d’homogénéiser l’information disponible. Toutes les bases sont maintenant réunies pour que nous puissions déterminer quelle est l’expérience client requise dans le monde numérique. Comment les produits vendus en ligne doivent-ils être présentés ? Comment le conseil sur les produits doit-il être apporté ? Si nous ne faisons pas ce travail, la seule variable sera le prix et nous casserons le rêve lié à nos produits.
Premium Beauty News - Le règlement actuel exige pour être agréé qu’un vendeur en ligne dispose également d’au moins une boutique physique. Vous pensez que cette exigence est menacée ?
William Koeberlé - La question sera inévitablement posée. Pour nous, c’est un gage important de la qualité du service. Le sélectif c’est du produit mais aussi du conseil, c’est-à-dire de l’écoute, la possibilité de tester mais nous avons vu que les comportements des clients bougent très vite. Par ailleurs, le monde des pure players est très hétérogène, certains font du bon travail. Notre objectif prioritaire est de maintenir la qualité de l’expérience client, y compris sur le web.
Si l’on prend l’exemple du « click&collect », ce peut être une expérience très riche, avec des attentions et des conseils personnalisés lors d’un retrait en boutique, ou au contraire très pauvre et très anonyme, avec un retrait dans une box en gare. D’où l’importance de définir les critères permettant de garantir la qualité de l’expérience d’achat en toute circonstance.
Premium Beauty News - Vous parlez de l’hétérogénéité de l’expérience client en ligne. Mais on a le sentiment que la distribution sélective est-elle même très hétérogène en Europe !
William Koeberlé - Le niveau des prestations n’est pas uniforme mais il y a une convergence rapide. Il faut avoir conscience que les traditions sont très différentes d’un pays à l’autre, avec parfois un passé de drogueries-parfumeries très éloigné des standards français qui ont inspiré le règlement. Mais l’on se rapproche partout du niveau que l’on connaît en France. Les marques contribuent aussi à ce nivellement par le haut. En ouvrant des filiales dans la plupart des pays européens auparavant confiés à des agents, elles ont pu mieux contrôler leurs circuits de distribution. Cela a aussi permis une convergence en matière de prix de vente. Ces évolutions étaient d’autant plus indispensables que nos clients voyagent de plus en plus.
Premium Beauty News - Votre autre grande priorité c’est la formation.
William Koeberlé - C’est également un élément clef de l’expérience client. Là encore l’évolution des comportements des clients est un vrai défi ! Qu’apporter à des clients qui ont déjà fait des recherches détaillées sur le web avant de venir en boutique ? Comment intégrer la numérisation des comportements et des points de vente ? Il faut revenir à une stratégie de « parcours de formation » et peut être nous inspirer des excellents résultats obtenus en matière d’alternance et d’apprentissage dans des pays comme l’Autriche ou la Suisse.
Premium Beauty News - Comment voyez-vous l’évolution du marché ?
William Koeberlé - En 2014, le marché français a reculé (selon NPD) de 0,6% en valeur et de 4,2% en volume. Mais il faut toujours rappeler que ces chiffres ne tiennent compte ni des ventes réalisées sur le web, ni de celles des marques propres. Or ce sont précisément celles qui progressent le plus. Pour les ventes en ligne, on est passé de 2% en 2008 à 5 ou 10% aujourd’hui selon les enseignes. Donc le marché résiste, il est plutôt en progression en valeur et plutôt stable en volume, malgré l’arrivée de nouveaux entrants comme Kiko ou les enseignes de textiles et malgré la concurrence d’acteurs comme Yves rocher ou L’Occitane.
Premium Beauty News - La progression des prix n’a-t-elle pas été excessive dans le sélectif ?
William Koeberlé - Les marques premium qui ont augmenté simultanément la valeur ajoutée et les prix continuent de progresser. Elles ont su revenir à leur ADN tout en réinventant leurs codes et en apportant de la valeur ajoutée à leurs clients. La hausse doit se justifier par de la valeur ajoutée. En revanche, les marques qui n’ont pas su faire cela, qui n’ont pas travaillé, qui n’ont pas investi et qui ont augmenté leurs prix subissent de plein fouet la concurrence des marques de distributeurs dont l’offre s’est considérablement élargie, avec des propositions de très bonne qualité.