Pour les entreprises du secteur des cosmétiques, il est urgent de se préparer au plus vite au pire scénario. Photo : © Lucian Milasan / Shuttedstock

«  La sortie du Royaume-Uni est actée. La question est de savoir s’il y aura un accord avec une période de transition, ce qui donnera plus de temps à tout le monde, ou si la séparation se fera brutalement », explique Virginie D’Enfert, Directrice des affaires économiques, internationales et environnementales de la FEBEA.

Depuis le déclenchement de l’article 50 du Traité sur l’Union européenne, le 29 mars 2017, le Royaume-Uni et l’Union européenne tentent en effet de s’accorder sur les modalités de leur séparation programmée pour le 29 mars 2019.

Accord ou saut dans le vide ?

Dans le cas d’un accord, une période de transition de 18 mois permettra une sortie « en douceur », le droit de l’UE continuant à s’appliquer au Royaume-Uni jusqu’au 31 décembre 2020. Malheureusement, si de très nombreux points ont été réglés, quelques sujets (notamment le cas de la frontière irlandaise) empêchent à ce jour la conclusion d’un compromis final. Si ces difficultés ne sont pas surmontées, il n’y aura pas d’accord ("Nothing is agreed until everything is agreed") et le Brexit se fera sans période transitoire. Une hypothèse qui prend de plus en plus de consistance, avec l’approche du D-Day.

« Les entreprises doivent se préparer à l’éventualité d’un hard Brexit, qui n’offrirait aucun délai d’adaptation, » met en garde Olivia Santoni, Director, Regulatory and International Services de la CTPA.

Une extension de la période de négociation est certes envisageable mais ce délai supplémentaire serait de courte durée puisqu’il n’irait pas au-delà des élections européennes prévues en mai 2019.

« État tiers »

Dès le divorce prononcé, le Royaume-Uni deviendra un « État tiers ». À partir du 29 mars 2019, en cas de Brexit dur, ou à l’issue de la période de transition, en cas d’accord, les réglementations européennes cesseront de s’appliquer au Royaume-Uni, qui sortira également de l’union douanière.

Pour les entreprises du secteur des cosmétiques, il est donc urgent de se préparer au plus vite au pire scénario [1] et donc à :

 L’obligation de mettre en place une personne responsable dans chacune des deux entités : Union européenne et Royaume-Uni.
 Mettre à jour des étiquettes pour inclure l’adresse de ces deux personnes responsables et l’origine exacte puisque le Royaume-Uni devient un État tiers. Rappelons que le made in EU n’est pas accepté par les autorités douanières hors de l’Union.
 Refaire les notifications au CPNP (Cosmetic Product Notification Portal), puisque celles effectuées via le Royaume-Uni ne seront plus valables (des brouillons devraient pouvoir être créés),
 Notifier les produits sur le futur portail anglais,
 Devoir acquitter des droits de douane sur les matériaux et les biens traversant la Manche dans un sens ou dans l’autre.
 Une augmentation des coûts de transits, à une complexité accrue et à des retards liés aux formalités douanières dans la chaîne d’approvisionnement.

Au-delà du Règlement européen sur les cosmétiques, d’autres règlements devront être transcrits en droits anglais, notamment REACH, CLP...

Divergences et doublons

Il n’y a en revanche pas de risque de vide juridique au moment de la sortie. Dans un premier temps, les Britanniques reprendront la législation d’origine européenne en remplaçant - là où se sera nécessaire - les mots « Union européenne » par « Royaume-Uni ». Dès 2019 en cas de no-deal, à l’issue de la période de transition en cas d’accord.

Mais une fois cette étape passée, le Royaume-Uni reprendra le plein contrôle de sa législation (c’était précisément l’objectif des partisans du Brexit). On peut prévoir qu’il y aura beaucoup de copier-coller de la législation européenne, mais à terme les divergences seront inévitables.

Dans l’idéal, les industriels des cosmétiques des deux côtés de la Manche auraient souhaité des accords spécifiques concernant leur secteur, avec le maintien de la participation des britanniques à certaines agences européennes, notamment à l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA), pour éviter les doublons.

Mais le détail des futures relations entre le Royaume-Uni et l’Union européenne ne sera discuté qu’après accord (pour l’instant introuvable) sur la sortie. Et pour l’instant, le processus de négociation est horizontal et non sectoriel. Avec des ambitions et des intérêts évidemment contraires : là où les Britanniques sont à la recherche d’un statut sur-mesure répondant au mieux à leurs intérêts, les Européens cherchent à éviter le cherry-picking qui verrait le Royaume-Uni ne participer (et ne financer) que les agences et les politiques qui les intéressent.

Troisième marché cosmétique de l’Union européenne - derrière l’Allemagne et la France et devant l’Italie - le Royaume-Uni est également un partenaire commercial majeur de la France qui en 2017 a exporté 996 millions de cosmétiques outre-Manche (troisième client de l’industrie française après les États-Unis et l’Allemagne). Dans ces conditions, il n’est pas question de prendre le sujet à la légère.